Sûrement à l'âge de quatorze ou quinze ans, il perdit son père. L'historien Grégoire Frédor, dans son fameux livre, affirme que le pauvre homme fut dévoré par une horde de loups. C'est tout à fait possible. En effet, l'événement, s'il nous semble horrible aujourd'hui, était monnaie courante au XIIe siècle. Les gens mourraient jeunes, souvent avant quarante ans, et la plus part du temps de maladies, fatigues ou famines. Les loups venaient souvent jusqu'aux abords des villes et entraient la nuit dans certains quartiers pour attaquer les habitants égarés. Saint-Pixel vivait aux bords de la forêt de Brocéliande, bien plus étendue à l'époque qu'aujourd'hui et véritable réserve de faune sauvage. Godefroy de Carentan, pour sa part, parle de la mort du père par la morsure d'un chien enragé. On pense que c'est à cette époque que Saint-Pixel commença à avoir une véritable aversion pour les loups.

Saint-Pixel fut alors recueilli par un homme d'église connu sous le nom de l'Abbé Damien. On pense que ce prêtre officiait dans un village voisin. Il avait remarqué lui aussi le talent prometteur du jeune Saint-Pixel. Il lui assigna une petite pièce au sol en terre battue, accolée à sa demeure. Saint-Pixel devait se lever tôt pour assister aux matines, puis devait s'occuper de la demeure du prêtre, faire de menus travaux, pour avoir en échange accès à de précieux grimoires. Sa principale occupation les jours de grand soleil était la décoration des murs de l'église. Elle était située vers le village actuel de Tréhorenteuc, près de la Forêt de Brocéliande, en Bretagne, mais on pense qu'elle a brûlé à la Révolution. Il passait aussi de longues nuits plongé dans la lecture de vieux parchemins. Dans la journée il consacrait aussi une partie de son temps à dessiner des scènes de la nature sur de petits morceaux de parchemins.

Son bienfaiteur lui appris à lire et à écrire. Il l'initia aux pratiques et rituels religieux. Le jeune Saint-Pixel décida à l'âge de dix sept ans de porter les habits sacerdotaux. Il était très croyant, et pensait pouvoir trouver son chemin dans la foi et l'église. Il commença à aider l'abbé pour servir la messe, puis il officia à son tour dans une petite chapelle à côté de l'église.

Quand il atteint l'âge de vingt-trois ans, l'abbé Damien mourut. Saint-Pixel une fois de plus se retrouva dans un profond état de désespoir. Une seule voie s'ouvrait à lui, le refuge total dans l'Eglise catholique. On pense qu'il hésita entre la vie d'ermite et celle de moine dans un monastère. Il décida de quitter la vie publique et partit à pied, muni d'une recommandation d'un notable de son village pour le monastère du Bec, en Normandie. Ce monastère était renommé car Saint Anselme, le plus grand théologien du XIe en fut abbé en 1078 Il était célèbre pour le fameux 'argument de Saint Anselme', sur l'existence de Dieu, repris au XVIIIe siècle par le philosophe Descartes. Le voici en résumé : 'J'ai dans ma pensée l'idée d'un être parfait qui s'appelle Dieu. Mais si cet être n'avait pas l'existence, il aurait toutes les qualités sauf la principale, l'existence, donc il ne serait pas parfait. Il faut donc conclure qu'il existe'. La communauté des moines du monastère du Bec était protégée par les seigneurs locaux. Le jeune novice Saint-Pixel, encore appelé en ce temps, Frère Charles, se fondit dans l'anonymat de la communauté des moines. Il se consacra alors à la prière et dédia une grande partie de son temps à l'étude des Saintes Ecritures et aux travaux de la communauté. (Suite)