Au Moyen Age la foi était forte mais les croyances populaires tenaient à peu de chose. Soixante ans après sa mort, Saint-Pixel était oublié de tous. Il tomba dans l'oubli, ainsi que ses techniques pour peindre les paysages. Ses restes furent conservés jusqu'en 1220, puis ils furent rassemblés pour rejoindre une fosse commune. Ses derniers fidèles essayèrent de récupérer qui une dent, qui un morceau d'os. Ils lancèrent un mouvement en vue de sa canonisation. Un d'entre eux, Godefroy de Carentan écrivit en 1235 le livre devenu une référence, 'Vie de Pixel, moine enlumineur'. Cet ouvrage est gardé aujourd'hui précieusement à la Bibliothèque du Vatican. Mais rien n'y fit, Pixel était tombé dans l'oubli. L'Eglise Catholique se désintéressait de l'obscur enlumineur.

Par comble de malchance, le monastère du Bec brûla en 1760, et avec lui presque toutes les enluminures de Saint-Pixel. Il ne restait donc presque pas de traces de Saint-Pixel.

En 1787, on retrouva des enluminures peintes par Pixel. En particulier les deux séries, 'Vie rurale en Bretagne et 'Scènes de la Vie du Christ'. Elles étaient au monastère cistercien de Bayeux. Le mythe de Pixel reprit de plus belle. On lui attribua des miracles, et quand on approchait une de ses enluminures d'un tableau de maître, une sorte de quadrillage apparaissait sur la peinture. Les touches de couleurs se rassemblaient et formaient une mosaïque.

De nombreux peintres relevèrent le défi de faire des tableaux pouvant résister à cette force inconnue. Mais nul n'y arriva. Un véritable culte se forma alors autour de la légende de Saint-Pixel. Mais il n'était toujours un saint reconnu par l'Eglise.

La Révolution mit le culte de Pixel entre parenthèse. La ferveur était interdite, et il fallut attendre 1805 pour que le mythe de Pixel retrouve de nombreux adeptes. En effet, Grégoire Frédor publia en 1803 son fameux livre, 'Vie des Saints'.Ce livre parlait longuement du mythe de Pixel et du monastère du Bec. Des historiens de l'Eglise et des amateurs d'art commencèrent à s'intéresser à lui. Toutes ces doctes personnes avaient sûrement de l'influence car le Vatican et le pape Léon XII canonisa Pixel en 1825.

Pixel devint alors officiellement Saint-Pixel.

Il fut inscrit au calendrier officiel des Saints de l'Eglise jusqu'en 1843. Il devint alors le saint patron protecteur des illustrateurs, dessinateurs et imagiers d'Epinal. Puis Saint-Pixel retomba une fois de plus dans l'oubli. Il n'intéressait personne. Son nom n'était pas repris par la population pour baptiser les enfants et il n'avait pas de lieu de culte particulier. Même si on pouvait retrouver sa trace dans le sud de l'Europe, le monastère du Bec n'était plus que ruines. Seuls quelques érudits, rats de bibliothèque ou dévots, se souvenaient encore de Saint-Pixel au début du XXe siècle. Ses dernières paroles étaient répétées inlassablement par ses rares disciples : 'Les coccinelles se rassemblent…, tout devient trouble…, c'est flou…'. Mais curieusement aucun d'entre eux ne pouvait les expliquer.

Ce n'est qu'en 1962, que David Vintage, ingénieur dans les ateliers de recherche d'une grande compagnie d'informatique aux USA chercha un mot pour définir ce que nous appelons aujourd'hui un pixel. En effet il n'y avait aucun mot précis pour définir les pixels car il s'agissait d'une invention très récente, pas encore commercialisée. Il faut se souvenir que les premiers ordinateurs n'avaient pas d'écrans comme ceux que nous utilisons aujourd'hui. Il chercha un nom pendant quelques jours, puis il se souvint alors de son ancêtre, le français Grégoire Frédor dont il avait lu les écrits dans son enfance. David Vintage, en plus d'être un remarquable ingénieur était aussi un passionné d'histoire ancienne. Il se rappela surtout des pages sur le moine enlumineur Pixel, devenu Saint-Pixel au siècle dernier.

Les ingénieurs adoptèrent tout de suite le mot pixel, car le mot était court et pouvait se prononcer pareil dans toutes les langues.

Et c'est ainsi qu'aujourd'hui le nom de Saint-Pixel est devenu un nom commun, prononcé des milliers de fois et à tout instant sur la surface de la Terre.