Saint Pixel est né vers 1096 (ou 1099) dans un petit village de Bretagne, près de la Forêt de Brocéliande. Son vrai nom était Charles Pierron ou Pierran. La majorité des érudits et historiens s'accordent sur ses origines paysannes alors que d'autres chercheurs, en particulier Louis de Villefort, affirment que son père était tailleur de pierres. De même, sa date de sa naissance est contestée par Grégoire Frédor dans son fameux livre référence paru en 1803, 'Vie des Saints'.

Pour cette hagiographie, nous nous en tiendrons à la thèse la plus souvent défendue par la plus part des chercheurs et historiens.

Saint-Pixel était le dernier d'une famille de quatre frères. Nous savons que l'enfance de Saint-Pixel fut une période bénie, époque de première contemplation du spectacle de la nature. Il passa ses premières années à l'ombre des pommiers et des chênes de sa Bretagne natale, dans un petit village rayonnant de verdure. Dés son plus jeune âge, il développa une grande capacité d'observation qui lui servit plus tard pour la réalisation de son œuvre. Godefroy de Carentan raconte qu'il était fasciné par le vol des oiseaux, par les arabesques sur les ailes des papillons ou sur les plumes des volatiles ou même par les marbrures sur les rochers. Il pouvait rester des heures sans bouger, pour distinguer tous les détails et les infimes dessins posés sur les ailes des insectes. C'est à cette époque qu'il commença à avoir une fascination pour les coccinelles.

A l'âge de cinq ans sa vie changea. Sa mère mourut. Le jeune Saint-Pixel assista en silence à sa longue agonie, assis au bout du lit de l'être cher. Il est certain que cette période le marqua à jamais. Il resta avec son père et ses trois frères dans la misérable chaumière et travailla alors à tous les travaux de la campagne. Ils vivaient la vie misérable des serfs de cette époque, corvéables et taillables à merci. Il fallait gagner une maigre pitance par un travail long et laborieux. Par chance, le seigneur du village était un homme très bon et très généreux qui laissait ses cerfs en paix. Une légende veut que le jeune Charles ait toujours été d'une gentillesse naturelle, résistant aux agressions de la vie par la douceur de son regard. On pense qu'un de ses frères devint plus tard un des plus grands maîtres d'armes de la cour de Louis VII le Jeune, sous le nom d'Alexis Pierran. Mais rien n'est moins sûr.

A l'âge de 10 ans le jeune Saint-Pixel tomba éperdument amoureux d'une jeune bretonne de trois ans son aînée, dont nous n'avons que le prénom, Ygerne. Elle vivait dans le même village et Saint-Pixel était attiré par sa peau laiteuse, ses cheveux blonds, et tous les petits points de varicelle qui égrainait sa peau. Ces points marrons clairs étaient pour lui une véritable fascination. Ils lui rappelaient les ailes des coccinelles. Le jeune Saint-Pixel passait des heures, couché dans les champs à côté de sa douce amie, à observer sa peau et ses innombrables taches de couleurs. Ygerne était sûrement d'origine celte, descendante d'un de ces Bretons de l'île de Bretagne (actuelle Grande-Bretagne), venus vers 400 après J.-C. pour s'établir en Petite Bretagne (Bretagne continentale, France). On pense qu'il la représenta plus tard sur une de ses plus fameuses enluminures, 'Vie rurale en Bretagne'. Le thème de la femme blonde réapparaîtra par intermittence tout le long de sa vie. Pierre Chimay, historien et critique d'art, a fait une magnifique étude sur le thème de la femme blonde, sorte de fantasme récurent dans l'enluminure.

Saint-Pixel était éperdument amoureux d'Ygerne. Mais la douce enfant mourut trois ans plus tard pendant la fameuse épidémie de choléra de 1112. Saint-Pixel, alors âgé de 13 ans tomba dans une profonde déprime. Ygerne ayant été le seul grand amour de sa vie, on peut penser qu'il sublima cette relation éphémère dans son art et dans la contemplation des coccinelles qui lui rappelaient la peau de Ygerne.

Après la mort d'Ygerne, il était au bord du suicide. Même l'observation de la nature ne l'intéressait plus. Il ne sortait presque jamais de la pauvre demeure. Les temps étaient durs et ses frères voulurent le chasser, ne désirant pas nourrir une bouche inutile. Il se mit alors à fréquenter l'église de son village, où il passait des heures à observer des artisans qui décoraient les murs. Peu à peu il se mêla à eux, délaissant les travaux des champs. Il commença humblement par apprendre à mélanger les couleurs, par reconnaître les différentes terres et substances naturelles utilisées dans la préparation des pigments. Un jour, il s'essaya à dessiner sur un mur. Il comprit tout de suite que sa voie était dans le dessin et la représentation des scènes fantastiques. Il surprit tous les moines par son talent et sa dextérité à dessiner et à peindre. Il est à penser qu'il se surprit lui-même d'un tel talent. Il n'avait que treize ans. (Suite)